Très tôt, pour le jeune Pierre Bonhomme, passionné pour Jésus
Christ et motivé par l'ampleur de la tâche à accomplir pour «sauver les âmes»,
la décision est prise: il sera prêtre. C'est, avec le diplôme de
bachelier acquis au Collège Royal de Cahors, qu'il entre au Grand Séminaire pour
être ordonné en 1827.
Dès ce moment, il fait preuve d'un dynamisme extraordinaire:
– à Gramat il ouvre un Collège de Garçons et l'année
suivante, un autre à Prayssac;
– il apporte une aide efficace aux vieux curés des 2
paroisses de Gramat et crée le groupe de «Enfants de Marie», mouvement de
spiritualité pour les filles.
C'est là son premier chantier, tellement il est persuadé de
la nécessité de l'instruction et de l'éducation humaine et spirituelle pour les
jeunes alors que rien n'existe sur les lieux.
– Bientôt nommé Curé de Gramat, il découvre la misère des
pauvres, vieillards et malades et la précarité des moyens pour leur venir en
aide. Il invite les jeunes à se mettre à leur service par des visites, des
soins, des secours matériels et spirituels ...et très vite, en accord avec le
Bureau de Bienfaisance de la ville, il décide de bâtir un Hospice...
– De cette entreprise va naître la Congrégation des Sœurs
de Notre Dame du Calvaire!
A cette époque-là, c'est une communauté religieuse qui est
habituellement requise pour faire fonctionner un hospice.
Le Père Bonhomme, n'en trouvant pas et voyant la ferveur et
le dévouement des jeunes de son groupe d'Enfants de Marie, va les solliciter et
les former pour être ces religieuses. Par cette proposition il vient au-devant
de leur désir de se consacrer à Dieu.
Quatre gramatoises: Hortense et Adèle Pradel, Cora et
Mathilde Rousset sont les premiers maillons d'une chaîne ininterrompue à ce
jour.
A Rocamadour, haut-lieu de pélerinage marial en Quercy, elles
font une retraite de discernement de huit jours qui se termine par leur premier
engagement. Après quelques mois de stage à Cahors, pour leur formation, dans
diverses congrégations, elles rentrent à Gramat pour y vivre en communauté et se
mettre au service des pauvres et des enfants.
En 1833 elles prononcent leurs premiers vœux ...et 30 ans
plus tard, à la mort du Père Fondateur, elles sont plus de 200 et les
communautés se sont multipliées dans le Lot et au-delà, au service:
- des enfants et des jeunes (catéchèse, instruction et
éducation...)
- des paroisses
- des pauvres et des malades (soins à domicile, œuvres sociales...)
- des marginaux de l'époque (Sourds muets, malades mentaux...)
Et pendant ce temps, le Père Bonhomme, de son côté, déploie
une activité débordante au service des paroisses. Il prêche de nombreuses
missions dans le Lot et le Tarn-et-Garonne: une soixantaine en dix ans.
Ces missions durent de une à trois semaines et connaissent un succés remarquable
si on en juge par la fréquentation des fidèles, le nombre des confessions et des
conversions.
C'est là que se bâtit sa réputation de grand orateur
populaire qui, à partir d'un contenu très classique: les grandes vérités
(mort, jugement, péché, enfer et paradis et aussi les dix commandements) sait
émouvoir, faire pleurer mais surtout convertir et conduire à l'engagement
chrétien nombre de paysans de bonne volonté et des jeunes filles pour sa
Congrégation. Il prêche en patois, avec fougue, et par tous les temps. Il se
révèle un extraordinaire ministre de la Réconciliation.
Missionnaire du Quercy, c'est au pied de Notre Dame
de Rocamadour qu'il va puiser force et inspiration. C'est par son
intercession qu'il obtient sa guérison alors qu'il se trouve complètement aphone
pendant une retraite qu'il prêche dans sa paroisse de Gramat.
C'est là aussi, qu'à la demande de l'Abbé Caillau, Prêtre des
Missions de France et restaurateur du Pélerinage, il inaugure, en 1835, les
Semaines Mariales de Septembre.
Avant d'entreprendre ce travail missionnaire, le Père
Bonhomme a pris le temps de la réflexion. Soucieux d'être fidèle à l'appel du
Seigneur, il fait en 1836, une retraite à la Trappe de Mortagne. Il se sent
lui-même attiré par la vie religieuse et plus particulièrement par l'Ordre
des Carmes; Il voudrait y entraîner deux confréres pour y faire un noviciat et
si possible revenir à Gramat avec une communauté de Carmes... Mais l'Evêque de
Cahors, Monseigneur d'Haupoul s'oppose à ce projet. Le Pére Bonhomme,
obéissant, se soumet et collabore loyalement et activement avec le groupe des
missionnaires diocésains, établi à Rocamadour et auquel le nouvel Evêque,
Monseigneur Bardou, a donné un autre Supérieur: l'Abbé Jouffreau.
Après dix années consacrées au renouveau et à
l'évangélisation des campagnes, en 1848, au cours de la Mission de Puy l'Evêque,
un village du Lot, il perd définitivement la voix et doit renoncer à la
prédication.
Le Missionnaire diocésain n'est plus mais reste le
Fondateur et pendant les dernières années de sa vie, il va continuer à
œuvrer pour sa Congrégation et par elle, contribuer encore à étendre le Royaume
de Dieu car, attentif aux signes de l'Esprit, il a un sens aigu des
appels et des besoins de son temps.
La Congrégation compte alors 61 religieuses réparties en
plusieurs communautés implantées dans les paroisses rurales pour l'éducation des
enfants et le soin des malades.
En 1844, il avait envoyé une communauté vivre au service de
l'Hôpital Psychiatrique du Département, à Leyme, et dans cette tâche difficile
il a soutenu les Sœurs par de nombreuses visites. Il a pris conscience du sort
des malades mentaux que la médecine n'arrive pas à traiter comme aujourd'hui et
lorsqu'à Paris, il rencontre le Docteur Falret, médecin de la Salpêtrière qui
lui demande des Sœurs pour tenir un «ouvroir», asile de jour pour «aliénées
convalescentes et indigentes», il est prêt à faire cette fondation. Les
Sœurs arrivent à Grenelle (Paris) le 1er juillet 1856. Par sa maladie du larynx,
privé de voix, le Père Bonhomme éprouve tous les jours les difficultés de
communication avec son entourage. Pendant les missions il a découvert dans les
villages des infirmes, sourds-muets, privés de communication,
d'instruction et souvent mis à l'écart. Son infirmité le rend très sensible à
leur handicap. Il souhaite faire quelque chose pour eux, il veut, avant tout,
les faire «entendre» pour les rendre accessibles à la Parole, pour
leur faire connaître l'Amour de Dieu.
En octobre 1854, il ouvre la première école pour
l'éducation des sourds à Mayrinhac-Lentour (Lot) et en 1856, il envoie des Sœurs
à Paris, rue des Postes, fonder un asile pour sourdes-muettes, ceci à la
demande de l'Abbé Lambert, aumônier de l'Institut Impérial des Sourds.
Pendant cette dernière période de sa vie, le Père Bonhomme
travaille à la rédaction de la Règle de l'Institut qu'il a mis sous la
protection de Notre Dame du Calvaire, lui donnant Marie au pied de la Croix pour
Mère et pour Modèle.
Il fait précéder le texte des Constitutions par un
commentaire des Béatitudes Lui-même a fondé sa vie sur l'Evangile et écrit:
«Mon modèle sera Jésus-Christ; on se plaît à ressembler à celui qu'on aime».
Ce passionné de Jésus-Christ subit l'épreuve de la
persécutiondans son village natal où certains ne lui ménagent ni critiques,
ni calomnies, ni moqueries pendant les premières années de son ministère. Cette
souffrance le marque profondément, lui qui est un grand sensible, délicat dans
l'amitié et compatissant dans les peines. Il est en communion avec la Passion de
Jésus qu'il célèbre par le Chemin de la Croix. Au cours de ses missions il en a
fait ériger par dizaines dans les églises paroissiales.
Sa confiance filiale envers Mariele conduit souvent en
pèlerin sur la route de Rocamadour, le chapelet à la main. «Mon appui, mon
tout auprès de Dieu, c'est vous Sainte Vierge Marie... Je remets mon salut entre
vos mains...»; telle est sa prière et sans doute celle du dernier
rendez-vous, dans ce Sanctuaire Marial où, trois jours avant sa mort, il est
venu à pied!
Au soir du 9 septembre 1861 c'est pour lui l'heure de la
Rencontre avec Celui auquel il a donné toute sa vie!... Bienheureux Pierre
Bonhomme, témoin de Jésus-Christ!