Marguerite de Justamond
Sœur Marie de Saint-Henri
Religieuse cistercienne de l'abbaye Saint-Catherine
d'Avignon.
Dieu, dont les desseins sont impénétrables, mais les volontés
adorables, a marqué ici-bas certaines familles du signe d'une prédilection
particulière. Il a voulu y multiplier les vocations et y choisir de nombreuses
âmes pour les retirer du monde et leur donner la sécurité et la paix du cloître.
La famille de Marguerite Eléonore de Justamond était de ce
nombre. La tante de notre bienheureuse martyre, Marie-Madeleine, ursuline au
couvent de Pont-Saint-Esprit, fut immolée le 26 juillet. Sa sœur aînée,
Dorothée, fut ursuline à Pernes et exécutée le 16 juillet. Et sa plus jeune
sœur, Madeleine, cistercienne comme elle au couvent de Sainte-Catherine
d'Avignon, reçut la palme du martyre le même jour que sa sœur Dorothée, le 16
juillet.
Marguerite était la fille de Jean-Pierre de Justamond et de
Françoise Barbe de Faure. Elle naquit le 12 janvier 1746, à Bollène. Sa famille
était une des plus distinguées de la contrée. Baptisée le 15 janvier, elle eut
pour parrain et marraine ses grands-parents : Melchior de Justamond et
Marguerite de Faure. Son éducation dans sa famille fut ce qu'était à cette
époque et dans ce milieu l'éducation d'une jeune fille. Les parents ne croyaient
pas, alors, avoir tout fait quand, par eux-mêmes ou par des maîtresses choisies,
ils avaient procuré à leur enfant une somme raisonnable de connaissances. Ils
étaient, et à juste raison, persuadés qu'ils n'auraient achevé leur œuvre,
qu'après avoir formé à la piété la fille que Dieu leur avait donnée, et l'avoir
mise à même d'orienter et de guider sa vie dans le chemin de la perfection
chrétienne.
La vocation de Marguerite fut le fruit béni de ces patientes
semailles. Nous ignorons la raison qui détermina la pieuse jeune fille née à
Bollène, et possédant aux environs une nombreuse parenté, à solliciter son
admission au couvent de Sainte-Catherine d'Avignon. Elle n'avait pas, alors,
encore vingt ans.
Admise en qualité de novice au début de l'année 1765, elle y
fit profession le 12 janvier 1766, en présence de la Révérende Mère de Rilly,
abbesse du monastère, et aussi, suivant le touchant langage du procès-verbal de
profession, «en présence de la glorieuse Vierge-Marie, de nos glorieux
patriarches Saint Benoît et Saint Bernard, et de Sainte Catherine, patronne et
titulaire de ce couvent». Messire François Molière, vicaire général de Mgr Manzi,
alors archevêque d'Avignon, reçut les vœux de la jeune professe. Elle y reçut le
nom de Sœur Marie de Saint-Henri.
Huit ans après, elle avait la joie d'accueillir dans le même
monastère sa jeune sœur Madeleine. Ses austérités et ses prières avaient sans
doute mérité à une âme qui lui était si chère, la si précieuse faveur de la
vocation religieuse.
Sœur Marie de Saint-Henri avait passé près de trente ans dans
le monastère de Sainte-Catherine quand la Révolution dispersa les religieuses. À
la fin de l'année 1790, la municipalité avignonnaise livra au pillage l'antique
et paisible demeure que de si nombreuses générations de moniales avaient peuplée
de leur présence, de leurs prières et de leurs chants.
Marguerite, accompagnée de sa sœur, reprit le chemin de
Bollène, et demanda aux religieuses de leur faire, parmi elles, une place. Elles
passèrent ainsi près de deux années. Enfin, amenée le 2 mai à Orange, notre
généreuse cistercienne fut enfermée avec les Sacramentines et les Ursulines dont
elle avait partagé la vie pieuse et pauvre, dans la prison de la Cure.
On l'en tira le 12 juillet. Avec Thérèse Talieu, Marie Cluse
et Jeanne de Romillon, elle comparut devant la Commission populaire, refusa
énergiquement le serment que Fauvéty, président du tribunal, lui demanda, fut
condamnée à mort, et monta joyeusement, le soir même, les degrés de l'échafaud.
Elle était âgée de 48 ans et 6 mois.
Abbé Méritan

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