Madeleine de Justamond
Sœur du Cœur-de-Marie
Religieuse cistercienne de l'abbaye
Sainte-Catherine d'Avignon
Sœur de Dorothée et de Marguerite, Madeleine de Justamond
était née le 26 juillet 1754, à Bollène. Elle était la plus jeune des trois
sœurs martyres.
À peine sortie de l'adolescence, elle suivit au monastère de
Sainte-Catherine, à Avignon, sa sœur aînée Marguerite. Elle y demeura jusqu'en
1792. La dispersion des ordres religieux, la fermeture des couvents la
ramenèrent alors à Bollène. Elle se réunit, attirée sans doute par sa sœur
Dorothée, aux Ursulines, et mena avec elles pendant près de deux ans, la vie
commune. Le 2 mai, elle était incarcérée avec ses compagnes et ses sœurs à la
prison de la Cure, à Orange.
Là, dans l'atmosphère de sainte joie et de profonde ferveur
qui régnait parmi les détenues, les généreuses dispositions de Madeleine
s'affermirent encore. Son recueillement angélique à l'heure de la prière, sa
régularité à prendre part aux exercices, son humeur égale et sa charité
affectueuse à l'égard de ses compagnes lui valurent le surnom de «Sainte-Justamond»,
par lequel on prit bientôt l'habitude de la désigner.
Le 16 juillet, avec sa sœur aînée et cinq autres religieuses,
elle était immolée en haine de la Foi, et des vœux de religion auxquels elle
avait courageusement voulu demeurer fidèle. Elle avait quarante ans.
En allant au supplice les victimes chantèrent les Litanies de
la Sainte Vierge. Celle qui avait voulu, au cours de sa vie de moniale, porter
le beau nom de Sœur du Cœur-de-Marie entrait dans la gloire le jour de la fête
de Notre-Dame du Mont-Carmel, et aux accents du plus beau des cantiques à sa
louange. La Providence avait sans doute disposé les circonstances et ménagé la
date pour la plus grande consolation de la martyre.
Le 16 juillet 1794, sept religieuses avaient donné leur vie
pour Jésus-Christ. Sacramentines, Cisterciennes et Ursulines avaient rivalisé de
courage, et reprenant, à leur compte, la parole de l'Apôtre : «Il vaut mieux
obéir à Dieu qu'aux hommes», l'avaient illustrée du témoignage de leur sang.
C'est sans doute par allusion à cette fidélité à leur vœu d'obéissance, que la
Commission populaire écrivait au Comité de Salut Public, le 16 juillet au soir :
«Les sept religieuses ont dit publiquement que la souveraineté du peuple n'est
pas légitime et cent autres horreurs pareilles. Elles ont bravé le peuple et la
justice ; mais elles ont trépassé et pourront être en esclavage dans l'autre
monde tant qu'il leur plaira.» Depuis les premiers martyrs, l'obéissance à Dieu
devient, dans les époques troublées par l'erreur, un crime capital. Et depuis
les premiers persécuteurs, l'agonie des victimes a toujours été accompagnée des
blasphèmes du bourreau !
La Commission populaire avait donc au 16 juillet 1794, immolé
vingt-sept religieuses, en dix jours. Pendant les dix jours qui suivirent, elle
parut oublier celles qui demeuraient en prison, attendant, non sans envier le
sort de leurs compagnes, l'heure de consommer à leur tour leur généreux
sacrifice. Le 19 juillet, les religieuses qui n'avaient pas encore été jugées
furent transférées de la prison de la Cure à la prison des Chièze, pour faire
place aux nombreux citoyens d'Arles que le sinistre Maignet envoyait à Orange
pour y être jugés et condamnés.
Le 26 juillet (8 thermidor), l'accusateur public Viot choisit
neuf religieuses parmi toutes celles qui restaient. C'étaient les plus âgées :
Marguerite Bonnet, 75 ans ; Marie-Madeleine de Justamond, tante des trois sœurs
martyres dont nous venons d'esquisser la biographie, 70 ans ; Marie-Claire Dubas,
68 ans ; Anne Cartier, 61 ans ; Thérèse Consolin, 58 ans. Les quatre plus jeunes
qui leur furent associées dans le jugement, ne les suivirent pas dans leur
martyre. Toutes refusèrent de prêter le serment, de renoncer à leurs vœux ; cinq
seulement furent condamnées à mort ; les autres à la détention jusqu'à la paix.
C'était Marie-Anne Roussin, 53 ans, converse ursuline de Bollène, Madeleine
Talieu, 53 ans, converse sacramentine de Bollène, Marie-Anne Bastet, 43 ans,
ursuline converse de Bollène, et Jeanne-Françoise Desplans, veuve de Roquard, 43
ans, religieuse sacramentine de Bollène.
Deux jours après (10 thermidor), la mort de Robespierre
mettait fin à la Terreur, et les quatre religieuses épargnées par le tribunal
furent, en février 1795, rendues à la liberté.
Les martyres comparurent donc le 26 juillet devant leurs
juges. L'acte d'accusation portait qu'elles «ont motivé leur refus de
reconnaître l'autorité souveraine et légitime du peuple, et fait des vœux pour
l'Ancien Régime.»
Mais, en réalité, l'accusateur public reprit contre elles
l'accusation de fanatisme et de refus de serment qui lui avait déjà permis
d'envoyer à la mort leurs vingt-sept compagnes. «Toutes, dit-il, ci-devant
religieuses ont toujours été les ennemies jurées de la Révolution et de toute
espèce de libertés ; fanatiques outrées, elles ont sans cesse employé les moyens
de pervertir l'esprit public ; elles ont égaré les bons citoyens ; réfractaires
à la loi, elles ont constamment et avec obstination refusé de se soumettre aux
dispositions de celles qui prescrivait aux ci-devant religieuses le serment de
fidélité ; elles ont ainsi entravé la marche du gouvernement et l'exécution de
la loi ; elles ont par leurs principes et leur conduite propagé des maximes de
superstition et d'intolérance,... etc.»
Abbé Méritan

|