Gertrude d'Alauzier
Sœur Sainte-Sophie.
Religieuse ursuline de Bollène.
Née le 15 novembre 1757 et baptisée le 16, Marie-Gertrude d'Alauzier
avait pour père Jean-François Firmin de Ripert d'Alauzier et pour mère
Marie-Marguerite Thérèse de Castanier. Par une attention délicate qui n'était
pas rare autrefois dans les familles chrétiennes de la noblesse, sa marraine fut
Catherine Sauvage, épouse de Jean Thouard, domestique de sa famille.
À l'âgé de 18 ans, le 1er août 1775, elle fit
profession au couvent de Sainte-Ursule de Bollène et reçut le nom de Sœur
Sainte-Sophie. À l'exemple de Sœur Sainte-Mélanie, elle refusa l'abri du toit
paternel quand le couvent fut supprimé. Elle préféra l'insécurité et le
dénuement avec ses compagnes à la tranquillité et à l'aisance dans sa famille.
Elle fut donc arrêtée avec elles et transportée à Orange le 2 mai 1794.
Les exercices d'une communauté aussi fervente qu'était le
couvent de Sainte-Ursule ne se font pas, en prison, aussi commodément que dans
le cloître. Et ce n'est pas un médiocre sujet d'édification pour nous que de
contempler cette régularité et cette scrupuleuse exactitude des prisonnières
dans les plus petits actes de leur vie quotidienne. Elles étaient vraiment des
femmes fortes, celles que la pensée de la mort ne pouvait distraire de leur
méditation et de leurs prières, et il ne faut pas s'étonner si Dieu, pour les
récompenser, a donné à quelques-unes un secret avertissement de l'approche de
leur fin.
C'est, sans doute, un avertissement de cette nature que reçut
un jour Sœur Sainte-Sophie.
La veille de sa mort, en effet, elle se trouva à son réveil
transportée d'une joie extraordinaire qui lui fit verser d'abondantes larmes.
« Je suis, disait-elle, comme hors de moi-même, parce que je suis sûre de mourir
demain, et d'aller voir mon Dieu ». Puis, saisie bientôt d'un scrupule que sa
conscience délicate à l'excès lui suggéra, et craignant que ce cri magnifique de
son âme n'eût été accompagné de quelque mouvement d'orgueil, elle en parut si
troublée que ses compagnes crurent devoir la rassurer.
Le lendemain, 10 juillet, elle fut condamnée à mort pour
avoir refusé le serment exigé par la loi, mais considéré par elle comme
schismatique. Quand elle eut entendu la sentence, elle remercia ses juges du
bonheur qu'ils lui procuraient, passa les quelques heures qui la séparaient de
son exécution dans une sainte joie, et encouragea de ses paroles les autres
condamnés.
Le soir de ce même jour, la foule qui entourait l'échafaud,
vit une des victimes s'agenouiller sur le dernier degré et baiser la guillotine.
C'était Sœur Sainte-Sophie qui exprimait ainsi sa joie de mourir pour son Dieu.
Elle était dans sa 37e année.
Abbé Méritan

|